C’est la rentrée, je reviens avec des petites pépites qui m’ont fait tourner la tête pendant les vacances, que je tenais à vous faire découvrir !
Un domaine particulier a retenu mon attention : le Domaine Kirrenbourg. Assez récent, il a su se faire une place et se hisser à la hauteur des meilleurs domaines alsaciens ! Le connaissez-vous ?
Je vous invite à un petit tour de cave avec Samuel Tottoli, directeur du domaine et je vous propose aussi de partir à la découverte d’un cépage emblématique d’Alsace : le Riesling !
Situé à Kaysersberg au cœur du vignoble sur la route des vins, il a fait son entrée en 2015. Tout juste 5 ans d’existence ! On le comprend très vite quand on arrive devant le bâtiment à la vue de son architecture moderne, de son emplacement et pourtant……
Une identité atypique qui a germé dans la tête d’un certain Marc Rinaldi, entrepreneur et fin gourmet, bien connu en Alsace pour avoir fait carrière dans l’aluminium et avoir créé le circuit automobile de l’Anneau du Rhin.
D’une envie à une idée, il n’y a qu’un pas, me direz-vous !
Investisseur enthousiaste et amoureux des vins, il est à l’origine de ce projet un peu fou: créer un nouveau domaine qui participera à l’amélioration de la notoriété des vins d’Alsace. En 2012, il voit l’opportunité d’acheter 4 hectares de vignes sur le Schlossberg. C’est le saut dans l’inconnu !
Pour l’accompagner dans cette nouvelle aventure et développer son projet, il est parti à la recherche des bonnes personnes. Pour cela, il s’est entouré de spécialistes du milieu dont Samuel Tottoli et Ludovic Meriau.
Samuel a dirigé le domaine de Kuentz-Bas pendant 15 ans à Husseren-les-Châteaux tandis que Ludovic a fait ses armes chez Albert Mann pendant 8 ans et a fait un passage chez la non moins connu Marie-Thérèse Chappaz en Valais, Suisse.
De ce trio est née une collaboration pointue et ensemble ils ont su créer en peu de temps un domaine capable de rivaliser avec les plus grands!
L’idée était simple : en faire un domaine concurrentiel !
Une question demeurait : comment se faire connaitre sans patienter 10 à 20 ans ? Eh oui, ce n’est pas le tout de faire du bon vin !
De la suite dans les idées, Marc Rinaldi n’en manque pas. Il a racheté le domaine Martin Schaetzel à Ammerschwihr qui possédait déjà d’une certaine notoriété dans la région. En utilisant cette marque, cela leur a permis de se faire une place plus rapidement. Vous pouvez donc encore aujourd’hui retrouver le nom Martin Schaetzel by Kirrenbourg sur d’anciennes bouteilles. (Le nom Kirrenbourg vient d’un lieu-dit sur l’appellation Grand Cru Schlossberg. )
Ce n’est qu’en janvier 2019 qu’ils ont décidé de se différencier de la marque Martin Schaetzel et de garder seulement le nom Kirrenbourg. Que l’on se le dise, le vin produit n’avait déjà plus rien à voir avec le domaine Martin Schaetzel avant son rachat. Ce n’était plus les mêmes vignes, les mêmes vinifications et le même style de vins.
Avec le recul, le changement de nom n’a pas posé de problèmes ni aux clients, ni à la presse. Leur image a grandi au fur et à mesure du temps et aujourd’hui il se place parmi les domaines jouissant d’une belle réputation. Fervent des défenseurs des dégustations à l’aveugle, c’est sur cette axe qu’ils ont réussi à créer cette notoriété. Comme on le sait et c’est parfois bien dommage, les gens dégustent très souvent des étiquettes avant le contenu.
On y croit ou pas, mais passionné de Bordeaux, Monsieur Rinaldi a apporté une influence bordelaise en Alsace ! On peut retrouver quelques similitudes dans la cave notamment avec une cuverie typique de chez Yquem. C’est lors d’une visite au domaine qu’il décide de choisir les mêmes cuves, à double paroi pour l’isolation et électro teintées ce qui leur donnent cette couleur distincte.
Cette histoire m’a rendu curieuse au point de me faufiler à l’intérieur ! Preuve à l’appui !
Il souhaitait également créer la cave idéale à la fois moderne et élégant dans lequel on puisse voir d’un seul coup d’œil le chai, la cuvier et le vignoble.
Et d’ailleurs si on allait se balader dans les vignes !
Depuis le début en 2015, une valeur importante était de produire des vins en biodynamie. Pour eux, il était clair qu’en plus d’avoir une démarche écologique et environnementale, cela permet d’avoir des vins plus complexes et aboutis.
En 2018, le domaine a été certifié Demeter et on retrouve les premières bouteilles portant ce label. Certaines parcelles sont encore en phase de conversion car achetée plus récemment.
Connaissez-vous le Grand Cru du Schlossberg?
La beauté de l’Alsace est d’avoir une multitude de Terroir différent et ce que l’on peut appeler le patchwork alsacien. Un tel mix est impressionnant ! Mais aujourd’hui, je me concentre sur l’un des Grand Cru les plus magique : le Schlossberg.
Je me retrouve avec des yeux ébahis lorsque Samuel me fait découvrir leurs vignes au pied du château de Kaysersberg. Je peux vous certifier que Kirrenbourg possède l’un des plus beaux coups d’œil sur la vallée de Kayserberg et une vue imprenable sur l’ensemble du Schlossberg.
Il s’agit du premier et plus ancien Grand Cru alsacien délimité en 1975, mais aussi du plus grand en terme de surface avec 80 hectares quasiment d’un seul tenant et jouissant d’une forte notoriété.
Le vignoble du Domaine Kirrenbourg s’étend sur 10 hectares. Il est le seul domaine alsacien à avoir uniquement des vignes en Grand Cru avec 7 hectares en Grand Cru Schlossberg et 3 hectares sur le Grand Cru Brand à Turckeim. Incroyable, non ?
Leur objectif n’est pas pour autant de commercialiser l’ensemble de la production en Grand Cru. Pour votre information, sachez que la part des Grand Cru en Alsace est de 7% mais que seulement 3% sont réellement vendu sous appellation en Grand Cru. Kirrenbourg ne déroge pas à la règle et commercialise uniquement 35% sur les 100% en Grand Cru. Ils considèrent avec justesse que certaines vignes n’ont pas le matériel végétal adéquat et souhaitent aussi produire des vins plus accessibles pour la clientèle. Un positionnement fort plutôt haut de gamme et une stratégie bien étudiée qui leur a valu de se placer parmi les références alsaciennes en 4-5 ans.
Le domaine a 3 niveaux de gamme :
- 1er vin: Grand Cru Schlossberg
- 2ème vin: Terroir S
- 3 ème vin: Roche Granitique, une gamme plus abordable. Cette gamme leur permet d’augmenter la qualité des deux autres en faisant une sélection naturelle et parcellaire à l’intérieur même du Grand Cru, tout en ayant une qualité supérieure pour leur entrée de gamme, issue de leur Grand Cru. Pour tout vous avouer, j’ai choisi leur Riesling Roche granitique pour mon mariage, il a fait l’unanimité !
Je vais vous surprendre mais il existe deux zones bien distinctes sur le Terroir du Schlossberg.
Je vais vous livrer tous les détails que m’a confié Samuel.
Le Schlossberg est le Terroir de prédilection du Riesling avec 80% du Grand Cru planté avec ce cépage, mais pourquoi ?
Très simple, il se révèle tout particulièrement sur ce sol granitique.
D’Est en Ouest de ce Grand Cru, on retrouve une belle homogénéité en matière de nature de sol. Il est constitué de granite du biotique, très dur et donc peu sensible à l’érosion. On a très peu de profondeur de sol et on se retrouve très vite sur la roche mère.
Le Riesling est également influencé par l’exposition plein sud du coteau. Toute la partie d’altitude, que l’on pourrait croire plus intéressante car plus fraiche ne l’est pas. Sur le haut, on retrouve un secteur impacté par le stress hydrique, surtout avec le réchauffement climatique. Avec le peu de profondeur de sol, il n’y a pas de rétention d’eau sur cette zone.
Il vous faut savoir que le vignoble alsacien contrairement à ce que certains (moi la première en tant que sudiste) pourraient penser est très sec et que celui du Schlossberg est l’un des plus sec de France avec moins de 500 mm d’eau par an. (C’est la même pluviométrie qu’à Bandol, imaginez-vous !). Surpris ?
Ayant cette proximité avec les montagnes vosgiennes, la plupart du temps, les nuages restent accrochés à ces mêmes montagnes et un vent descendant de la Vallée de Kaysersberg vient assécher le peu de pluie qu’il peut y avoir. Ce sont donc les vignes situées en milieu de coteau qui ont une meilleure maturité, il y a beaucoup moins de blocage.
Une homogénéité à une nuance près ! Les vins issus des vignes près du Château de Kaysersberg s’expriment différemment que sur le lieu-dit Kirrenbourg. Le domaine l’a compris et ce qui explique aussi la palette de Riesling produit au domaine.
Le champ de fracture de Ribeauvillé comme il est communément appelée, apporte une influence importante sur le lieu-dit Kirrenbourg situé à proximité. On a un sol beaucoup plus riche. En plus de la roche mère de granite, on retrouve de l’argile apporté par cette faille, ce qui permet d’avoir une profondeur de sol un peu plus importante.
Cette zone est la seule partie détachée du reste du Schlossberg, la montagne, ici permet apporter de la fraicheur à la vigne et de protéger des vents asséchants venant de la Vallée. Des sources d’eaux sont également présentent ce qui permettra d’avoir des maturités plus régulières et un style moins solaire.
Je vous parle succinctement du Grand Cru Brand à Turckheim, où le domaine a aussi des vignes afin que vous voyiez les différences de nature de sols d’un endroit à l’autre.
Situé sur une colline de 50 hectares, la nature du sol est différente, il s’agit aussi de granite mais ici à deux micas qui se dégrade plus facilement. On retrouve des feldspath et silex.. Ces derniers captent lumière et emmagasinent la chaleur tout en la restituant au quotidien. Il s’agit d’un Terroir beaucoup plus solaire, d’ailleurs ‘brand’ en allemand signifie feu. C’est un type de sol similaire à ce qui se trouve à St Joseph et Côte Rôtie. La situation est aussi rude avec 600 à 800 mm d’eau par an mais les vignes souffrent moins de soucis de stress hydrique.
La profondeur de sol, vous l’aurez compris, est plus importante à 1m20 sur le Brand contre environ 30-60 cm sur le Schlossberg. Avec cette comparaison, on se rend facilement compte que la biodynamie est indispensable pour faire vivre les sols. Ce type d’agriculture permet d’avoir un meilleur fonctionnement de la plante, elle sera capable plus facilement de capter l’eau et donc d’obtenir une meilleure maturité.
Kirrenbourg a la volonté de réduire son encépagement et de se limiter au Riesling et au Pinot Noir, mais pourquoi ?
Leur objectif est de se limiter à ces deux cépages. Aujourd’hui le Riesling représente 51% tandis que le Pinot Noir 25% de leurs vignes. Ils ont fait ce choix car ils se sont aperçus qu’ils étaient plus adaptés à leur Terroir. Aujourd’hui, certains cépages ne sont plus adaptés à ce climat de sécheresse.
Alors quoi de mieux que la méthode du surgreffage. Connaissez-vous cette technique ?
Il suffit de surgreffer une vigne âgée et productrice déjà en place avec un nouveau plant de vigne d’un autre cépage. Cette technique a l’avantage de pouvoir conserver le racinaire déjà installé et de permettre de modifier l’encépagement en 2 années contrairement à une plantation classique. La vigne rentre en production plus rapidement et conserve la maturité de la vigne déjà installée, c’est un gain qualitatif sur le vin qui sera produit.
Au niveau de la vinification que se passe-t-il?
Kirrenbourg fait de la microvinification sur des sélections parcellaires. Ils font des pressurages très doux à basses pressions et long d’environ 10 à 14 heures ce qui leur permet d’avoir des vins sur la finesse et la pureté. Ils limitent toutes technologies dans leur travail et remplissent les cuves par gravité. Ils font des débourbages assez courts de 6 à 8 heures avec peu de sulfitages. Les vins restent sur lies totales généralement si aucunes déviances, ce qui permet d’avoir un effet protecteur.
Samuel m’a fait une monstre dégustation pour me faire découvrir leur gamme : c’était super intéressant. Nous avons commencé par quelques Pinot Noir du même millésime 2018 dont Pinot Noir Roche Granitique, Pinot Noir Cuvée Mathieu, Pinot Noir Terroir B et le Pinot Noir Jardin des oiseaux.
Petite information : le Pinot Noir n’a toujours pas le droit de s’appeler Grand Cru. Kirrenbourg nomme donc ses 2 Pinot Noir: Terroir B, issu du Brand et Terroir S issu du Schlossberg.
Revenons au Riesling, je voulais vous parler de deux de mes coups de coeur :
- Le Riesling Grand Cru Schlossberg, millésime 2018 est issu des vignes autour du château de Kaysersberg. Eclatant, on retrouve une belle fraicheur. Des arômes d’agrumes, de fleurs blanches et de cédrat s’ouvrent au premier nez. On ressent une certaine minéralité après aération du vin qui vient se préciser en bouche accompagné de nuances de pierres chaudes et d’une belle salinité en finale de bouche. À la fois délicat et franc, ce Riesling est très bien équilibré. On est sur l’expression typique du Riesling que l’on peut retrouver sur le Schlossberg.
- Le Riesling Grand Cru Schlossberg K, millésime 2018, issu du lieu-dit Kirrenbourg a une exposition différente qui se retrouve à la dégustation. On a un vin plus profond apporté par le Terroir d’argile. Ce Riesling est plus complexe. On remarque un volume de bouche plus important. Contrairement au Riesling Schlossberg Grand Cru classique, celui-ci s’ouvre plus avec le temps et séduira les gastronomes.
Allez, je retourne à mes dégustations.
Pour en savoir plus:
Pour la dégustation, c’est par ici:
Adresse:
Kirrenbourg
15c Route du Vin,
68240 KIENTZHEIM
Instagram: @domainekirrenbourg
MW