Sur la rive nord du lac de Neuchâtel, le Château d’Auvernier incarne plus de 400 ans d’histoire viticole et veille avec constance sur son terroir. Si tu ne connais pas encore le Château d’Auvernier, c’est le moment de t’installer confortablement avec un verre. Parce que ce lieu, c’est une véritable institution dans le canton, et ses vins racontent une histoire. Une vraie.

 

Construit en 1559 par Blaise Junod, il est devenu la propriété de Pierre Chambrier en 1603. Le domaine appartient à la même famille, incarnée aujourd’hui par Henry Grosjean, représentant de la quinzième génération. Cette continuité familiale n’est pas seulement symbolique : à chaque transmission, un membre de la famille reprend les rênes avec la volonté de perpétuer, mais aussi de faire évoluer l’héritage.

château d'auvernier neuchâtel
coupe de sol château d'auvernier
chai château d'auvernier

Le domaine encave un peu plus de 60 ha cultivés avec respect de la biodiversité et selon les principes de l’agriculture bio. Et ici, tout est pensé dans une logique écologique globale : gestion raisonnée de l’eau, réduction de l’empreinte carbone, biodiversité favorisée par les haies, prairies fleuries, couverts végétaux, et même optimisation énergétique au chai pour limiter les intrants. Les interventions sont limitées au strict nécessaire, avec un travail minutieux en vert (effeuillage, vendanges en vert) pour maîtriser les rendements et garantir une concentration optimale des raisins. Un travail engagé, cohérent et concret.

 

Son emplacement n’est pas le fruit du hasard. Ici, la géologie joue un rôle primordial. Le terroir repose sur des sols calcaires, légers à moyennement argileux, particulièrement riches en fossiles marins. Cette composition offre un drainage naturel optimal, essentiel pour éviter l’excès d’eau qui pourrait nuire à la vigne, tout en retenant suffisamment de nutriments pour soutenir la croissance et la maturité des raisins.

L’exposition sud-est permet un ensoleillement généreux, mais la proximité immédiate du lac joue un rôle modérateur majeur. En effet, le lac tempère les variations climatiques, réduisant les risques de gel au printemps et les excès de chaleur en été.
Résultat ? Une amplitude thermique douce, idéale pour une maturation lente et régulière, qui préserve les arômes et la fraîcheur, deux qualités importantes pour la production de leur Pinot Noir et leur Chasselas.

 

Le domaine rayonne bien au-delà des rives du lac de Neuchâtel, avec des vins désormais exportés au Japon, aux Etats-Unis et en Allemagne. 

Ici au Château d’Auvernier, le Pinot Noir règne en maître. Vinifié en rosé et il donne naissance à une icône suisse : l’Œil-de-Perdrix.

Cette spécialité suisse née à Neuchâtel n’est pas une simple anecdote : c’est une origine, une tradition. Son nom ancien évoque la teinte délicate de l’œil d’une perdrix blessée.

L’Oeil est réalisé par saigné et vinifié à basse température pour préserver la fraîcheur. Né en 1861 chez Louis Bovet à Areuse, l’Œil-de-Perdrix est aujourd’hui une référence que la Suisse entière a voulu imiter. Mais seul ce terroir calcaire lui confère cette finesse singulière. Le nom, jamais protégé, est devenu un terme générique, utilisé bien au-delà des frontières neuchâteloises. Au Château d’Auvernier, l’Oeil est devenu une véritable référence et le vin le plus produit. 

Cet « Œil », comme on l’appelle aussi, dévoile une robe avec une nuance délicate, telle une couleur d’ancienne porcelaine, rose saumon clair. 
Le premier nez est précis, sur la framboise fraîche, les écorces d’orange confites et une touche de gelée de coings. À l’aération, une trame florale discrète apparaît, soutenue par des accents d’herbes sèches et de craie mouillée.
En bouche, le vin se distingue par une attaque droite et vibrante, portée par une acidité structurante. On retrouve la chair du fruit sans lourdeur. La finale est étirée par une pointe d’amertume. Tout en dentelle ! 

Ce rosé-là ne cherche pas l’effet. Il se livre en silence, avec la droiture du fruit. Sans prétention. Juste l’envie de bien faire. Et de bien boire.

oeil de perdrix château d'auvernier
rosé oeil de perdrix accord château d'auvernier
vineyard château d'auvernier

Parmi les cuvées parcellaires à base de Pinot Noir, on retrouve Les Grand’Vignes et Les Argiles. Ces deux cuvées ont le même protocole de vinification : sélection bourguignonnes, même densité de plantation, rendement de 400 g/m², élevage de 24 mois en barriques. Ici, seul le terroir s’exprime !

Les Grand’Vignes – Issu d’un sol profond et léger, parsemé de cailloux blancs, ce Pinot Noir dévoile une minéralité aérienne, des nuances subtiles de petits fruits rouges, et une fraîcheur presque palpable.

 Les Argiles – Né d’un terroir plus complexe, mêlant argiles, galets et sable compact. Planté en Pinot Noir depuis 2002 sur un ancien terroir dédié aux blancs, ce vin exprime une puissance et une complexité surprenantes : fruits noirs sauvages, épices, sous-bois mystérieux, portés par des tannins veloutés et puissants. 

Avec leur production confidentielle (environ 1500 bouteilles par cuvée), ces vins racontent l’histoire d’un cépage bourguignon enraciné en Suisse et façonné par 400 ans de tradition familiale.

salle château d'auvernier
famille château d'auvernier

“Carlos Grosjean” est une cuvée hommage. Quand Carlos Grosjean, père de Thierry et grand-père d’Henry, s’éteint, une idée germe : créer un vin à son image, à sa mémoire : un Pinot Noir née de trois parcelles choisies chaque année selon le millésime et vieilli avec patience. Ici, pas de compromis : un travail méticuleux à la vigne, rendements bas, un élevage long (18 mois) en barriques sélectionnées une par une et une sélection minutieuse des meilleures barriques.

 Dans le verre, au nez, on se laisse porter par la cerise fraîche, la fraise des bois ou encore l’eucalyptus. En bouche, les tannins fins s’accompagnent d’une belle tension acide, une droiture. Un Pinot Noir tout en équilibre, sincère, digeste, pensé pour la garde.

Ce vin perpétue l’esprit des générations et accompagne les grands moments de la famille. Il n’est pas fait pour la précipitation. Ce n’est pas un vin pour les pressés, mais pour les amoureux du cépage et du terroir. 

room tasting château d'auvernier
tasting room château d'auvernier

L’autre spécialité reste le Chasselas notamment dans sa version Non Filtré. Ce vin blanc, c’est un peu la tradition qui s’amuse à bousculer les codes. Le premier vin de l’année mais aussi le plus troublant. À peine la bouteille saisie, on sait déjà que ce vin ne sera pas comme les autres. Des lies fines en suspension, qui dansent doucement dans le verre. Pas un défaut. C’est une signature. Elles permettent de protéger, arrondir et donner la possibilité au vin de vieillir dans le temps. Un vin sans filtre, au propre comme au figuré. Un Chasselas d’une grande personnalité ! 

Depuis 1975, cette spécialité neuchâteloise marque le début de l’année vinicole. Chaque année, le 3e mercredi de janvier, ce Chasselas sort pour annoncer le printemps, et c’est toujours un moment attendu. La fermentation à basse température préserve les arômes floraux et fruités, tandis que l’absence de filtration apporte du corps et une capacité de vieillissement exceptionnelle. 

Ici, le nez de ce Non Filtré s’ouvre sur des fleurs blanches, citron confit, pamplemousse, parfois une touche exotique, tel que l’ananas. En bouche, la fraîcheur est vive, presque mordante. On retrouve cette rondeur soyeuse, apportée par les lies, qui équilibre tout. On le déguste généralement dans sa jeunesse. Mais moi, je l’aime un peu posé, quelques mois sur ses lies : un rien plus accompli.

chasselas non filtré château d'auvernier
chasselas château d'auvernier
non filtré château d'auvernier

Le saviez-vous ?

Le collage de l’étiquette est aussi à l’envers sur la bouteille car sa spécificité doit être affichée pour suggérer le geste !

Avec un respect presque rituel, on retourne lentement la bouteille, trois fois, pas plus, avant d’ouvrir la bouteille. Le vin s’éveille. Les lies se mêlent. La turbidité apparaît. Attention, cependant il ne s’agit pas d’une bouteille d’orangina ! On doit simplement la retourner et non la secouer. 

C’est peut-être là, dans ce trouble assumé, que réside sa vraie modernité. Et je me dis que parfois, il suffit d’un vin un peu trouble pour y voir un plus clair. Sans cette manie du « propre » que l’œnologie moderne a imposé aux vins blancs… Un paradoxe, puisque ces lies en font le Chasselas qui vieillit le mieux et peut donc révéler bien des surprises. 

Au Château d’Auvernier, chaque bouteille incarne une page de leur histoire. Alors, tu sais ce qu’il te reste à faire ? Ouvrir une bouteille, partager un moment, et savourer un peu d’histoire dans ton verre. Santé !

Adresse:
Château d’Auvernier
Pl. des Epancheurs 6
2012 Auvernier, Suisse

Instagram: @chateau_d_auvernier

MW